Le mois de février est le mois le plus long de l'année, c'est bien connu. La froidure qui mord, la grisaille qui rampe, la déprime qui ronge. Le mois de février est le mois le plus long de l'année, et ce particulièrement les années bissextiles.

Alors ces années-là surtout il nous faut résister. Nous épauler des quatre coins de l'univers. Nous écrire, nous parler. Nous raconter des histoires. "29 jours", c'est l'entreprise qui tord le cou à ce mois sinistre, qui fait vriller février.


dimanche 12 février 2012

12 février - les matins verts




En septembre dernier, nous avons inscrit les garçons à l'école communale à côté de chez nous. Tous les matins je les accompagnais : un bonheur quotidien.

Nous partions dans le petit matin, eux criant et courant, moi portant leur cartable, saluant en passant le voisin d'un petit signe de la main puis me laissant tranquillement descendre vers l'Indre.

La nationale contenant à grand-peine le flot grognant et nerveux, mais passé le carrefour critique, nous étions sauvés. Nous pouvions alors en toute insouciance nous diriger vers la passerelle que la municipalité a fait installer en contrebas du pont lorsque nous avons décidé d'emménager à Montbazon. On sait accueillir les nouveaux-venus, à Montbazon.

L'Indre fumait autour de nous. La ville disparaissait ; des voitures nous ne distinguions plus que les les yeux brillant de loups fuyant avec la nuit. Nous étions au ras d'un monde d'eau étale, de vase et de branchages. Comme par magie, les spots éclairant la passerelle s'éteignaient quand nous la franchissions.

De l'autre côté s'étend la grande page blanche de l'îlette. Une vaste étendue d'herbe sur laquelle de dimanches en dimanches apparaissent vide-greniers, chasse aux œufs de Pâques, journée des archets, concentrations de coccinelles Volkswagen pour disparaître ensuite, et que le lundi au matin nous trouvions vierge de nouveau, blanchie par le givre.

Nous passions le second bras, malingre et boueux, où plongent les canards et courent les rats. De l'autre côté, le mardi c'est marché. Je saluais le marchand de légumes. Les garçons pestaient contre les odeurs du poissonnier.

Nous empruntions la venelle des Douves, passage entre les maisons où deux personnes peuvent à peine se croiser, puis remontions la rue de Monts qui grimpe fort à cet endroit.

Arrivé à l'école, je saluais mes deux gars. Puis, en fonction de mes occupations, et de la température extérieure, je restais à discuter avec d'autres parents d'élèves, échanger quelques nouvelles, quelques réflexions amusantes, quelques signes de fatigue ou d'encouragement ou je m'en retournais directement vers mon foyer.

Je longeais le cimetière. Le monument au morts et quelques croix individuelles s'agitaient discrètement au-dessus du mur.

En redescendant la rue de Monts, je surplombais alors les toits fumant au-dessus desquels le pamplemousse du soleil se hissait. Je replongeais dans la ville réveillée.

Je retrouvais l'îlette, qui avait entre-temps gagné des couleurs. Je saluais par là le buraliste qui sort son chien tous les matins, et aussi une grosse et gentille chienne suivie de son maître, un fringuant retraité très aimable lui aussi. J'avais également croisé une assistante de Monsieur le Maire et une boulangère, encore dans leur statut de maman-accompagnant-leur-enfant-à-l'école.

Tous les matins, enfin, j'échangeais un « bonjour » avec une dame de service qui, elle, revenait de l'école où elle venait de faire le ménage.

Je rentrais chez moi, mis en jambe, bien réveillé. La journée était entamée, une moisson de sensations déjà engrangée.

Mais voilà, l'un des garçons a changé d'école. Maintenant, pendant que le grand va tout seul à l'école à pied, je conduis le petit en voiture. Je ne mets le nez dehors que pour m'engouffrer dans ma voiture et foncer sur des voies rapides encombrées de véhicules vrombissant et, coincé derrière mon volant, je regrette le temps où, dans les matins verts, j'accompagnais mes enfants à pied à l'école.

Jean-Charles

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