Le mois de février est le mois le plus long de l'année, c'est bien connu. La froidure qui mord, la grisaille qui rampe, la déprime qui ronge. Le mois de février est le mois le plus long de l'année, et ce particulièrement les années bissextiles.

Alors ces années-là surtout il nous faut résister. Nous épauler des quatre coins de l'univers. Nous écrire, nous parler. Nous raconter des histoires. "29 jours", c'est l'entreprise qui tord le cou à ce mois sinistre, qui fait vriller février.


mercredi 22 février 2012

22 février - les artistes, les mouchoirs

les artistes

On va bientôt pouvoir les réveiller, nos artistes. Le printemps arrive, ils vont finir d'hiberner.

Moi j'en ai perdu un, il y a quelques jours. Un beau en plus. Moussu, pelage fourni, le Brun on l'appelait. Il commençait juste à prendre un peu d'âge. Mais l'hiver me l'a pris. Un coup de froid l'a emporté. Ça m'a rendu bien triste. Je l'aimais beaucoup. Et puis c'était un gentil. Cabotin juste ce qu'il faut, mais jamais un coup de griffe. Ah ! ça m'a fait de la peine.

Maintenant il va falloir sortir ceux qui nous restent des placards. Rallumer les lumières, ouvrir les fenêtres, secouer leur paille, enlever les voiles de protection. Et puis les remettre en marche.
Chaque hiver ils disparaissent. C'est long, une saison sans artistes. On a quand même besoin d'eux. Ils sont bons pour la santé, vous savez. Sans eux certaines vitamines ne sont pas métabolisées par l'organisme. Des fois on s'arrête, on les regarde, on les respire un coup, et quand on repart on se sent mieux, vous avez remarqué ?

Les chats sauvages ont passés par-dessus l'étang, mais les artistes vont bientôt revenir.
Jean-Charles

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les mouchoirs

Je préfère les février(s) à vingt huit jours.
Tu souhaitais écrire sur février. Ce plus long mois de février des 4 prochaines années disais tu, ou quelque chose comme ça.
Février fait vriller ou février fait vibrer les rhumes disais tu…

Combien de mouchoirs sortis depuis le premier du mois, pour de multiples raisons. Du nez coulant aux yeux qui pleurent, de la tache de vin essuyée sur la table à la buée collée sur les lunettes en sortant dans la rue, froide, gelée, humide comme un jour sans fin, ces mouchoirs jetés dans la poubelle, trainants au fond des poches, tombés sous les lits, réduits en boulettes dans la machine a laver… Ah ! Ces mouchoirs pleins du nous même expulsé de nos narines et de nos yeux, de notre peau qui sue, de notre corps qui exulte, et d’autres choses encore qui appartiennent à chacun.

Je ne les jette plus. Je les encadre, je les dispose les uns à côté des autres, régulièrement. Aucun pressé, serré, chiffonné, coloré ne ressemble à son voisin. Une touche de couleur déposée au pinceau, une bavure de feutre, une auréole de café, une déchirure orchestrée, alignée dans le pli, ailleurs, un demi mouchoir blanc immaculé, sa moitié a servi à caler la table du bistrot, bancale, où j’ai bu ma dernière bière. Le tableau prend forme. Le spectacle se montre de ces petits drapeaux blancs ou presque, ou pas du tout, autant de signes indiscrets de notre vie, de notre intimité, de nos retenues joyeuses ou de nos pauvres tristesses.
Les ranger, les organiser, les rendre visibles d’un coup d’un seul, dans leur unité diverse. Vous me direz qu’il aurait fallu les mettre dans une boite transparente. Je préfère un tableau où chacun est collé à sa place, sur chaque jour passé, témoin dérisoire et indispensable de nos épanchements quotidiens.
Un mouchoir chaque jour. Vingt neuf mouchoirs de ce mois qui mord le temps des années à venir pour rattraper celui des années perdues. Cela fait quatre rangées de sept plus un mouchoir ou alors sept rangées de quatre plus un. Les organiser en spirale est une autre possibilité, le premier au centre sur la trajectoire du dernier jour de janvier et le dernier en haut, sur la médiane du cadre qui les met tous en valeur, lançant son énergie sur le premier jour de mars.

Un mouchoir m’a servi un peu à autre chose. Il est encore au fond de ma poche. Il ne sera pas sur le tableau, il y aura un vide, un blanc, une case libre. Chacun pourra y mettre ou penser ce qu’il voudra. Jean-Pierre LB nous a quitté. Nous l’avons accompagné le 21 février.

Putain de mois de février. Vingt neuf jour : un jour de trop.
Pierre T

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