Le mois de février est le mois le plus long de l'année, c'est bien connu. La froidure qui mord, la grisaille qui rampe, la déprime qui ronge. Le mois de février est le mois le plus long de l'année, et ce particulièrement les années bissextiles.

Alors ces années-là surtout il nous faut résister. Nous épauler des quatre coins de l'univers. Nous écrire, nous parler. Nous raconter des histoires. "29 jours", c'est l'entreprise qui tord le cou à ce mois sinistre, qui fait vriller février.


samedi 4 février 2012

4 février - Le rhume et le rhum

Le rhume et le rhum

D'abord, il faut acheter des citrons verts. J'ai bien essayé d'entretenir un citronnier sur ma terrasse mais, en dépit de l'enveloppe en forme de cache-col que je lui avais fournie, il s'est enrhumé et ça a sans doute tourné en pneumonie ou en phtisie. Il a hélas trépassé l'hiver dernier. Je me suis dit : Aïe ! L'empreinte carbone est défavorable. Voyons l'essence de citron. Si le pharmacien vend des huiles essentielles, si on n'habite pas trop loin d'une bio-coop, si on a des relations niçoises ou mieux mentonnaises, si on sait se servir d'un compte-gouttes, si on est absolument sûr, mais alors absolument, que l'ingestion de gouttes d'huile essentielle ne nuit pas, si on consent à remplacer le parfum, le goût et la texture de la pulpe du fruit par une exhalaison de désodorisant, un goût de produit WC et une texture ensemble vide, on peut envisager peut-être de remplacer l'agrume véritable par sa substantifique moelle.
Ensuite, il faut un peu de sucre. Avant même de songer à en verser quelques grains, il convient de relire Candide (pas Zadig) de Voltaire, et Montesquieu, car c'est à ce prix que vous aurez la conscience de pourquoi et comment nous avons appris à manger du sucre et à nous en trouver bien coupables.
Enfin, il faut du rhum. Pas du rhum charrette de la Réunion, celui qu'on arrange tellement il est mauvais. Pas du rhum de grande marque dont on sait qu'il est produit par de renommées industries dans des conditions qui entretiennent les vices du capitalisme. Pas du rhum dont le nom évoque les héritages coloniaux des plantations martiniquaises, territoires étranges plantés de cannes, au centre desquels trône une demeure à nonchaloir avec des berceuses et une table en acajou où l'on peut dîner à trente, mais dans lesquels aucun cimetière d'esclaves n'est délimité, à croire que les cannes poussent là où les corps ont été jadis couchés. Non, un vieux rhum de Marie-Galante, dans sa bouteille en terre, suffira.
Une giclée de citron, une pointe de cuiller de sucre de canne non raffiné, un doigt de rhum. On inhale profondément. On boit. Au-delà de dix doses, on évite de sortir au-delà de la maison. A signaler un risque non négligeable d'accoutumance.
Une giclée de citron, un doigt de rhum. On en met un peu au creux de sa paume. On masse. A signaler un risque certain de fragrance exotique. L'antidote, qui ne consistera pas à faire régurgiter, mais à amplifier exponentiellement les résultats, pourrait être de se procurer un des beaux livres de cartographie qui viennent de paraître avec des fac simile de cartes anciennes, et de le feuilleter.

Catherine C




Quand Février nous fait souffrir...
... Il y a quand même un arpenteur du temps qui a eu l'idée de le raccourcir avec tout un tas de calculs savants...

(moi c'est un vilain lumbago avec une porte de placard et une lame de lanceur de couteau dans le dos ...)
Joël

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